Médicaments et alcool, un cocktail à risque?

Médicaments et alcool, un cocktail à risque?

À l’approche du temps des fêtes, plusieurs d’entre vous se préparent à célébrer en famille ou entre amis avec quelques bulles en main en vue d’agrémenter les festivités.

Cela dit, la consommation d’alcool lorsqu’on prend certains médicaments n’est pas toujours sans risques, et ce, même si on espace leur prise de plusieurs heures. Bien que l’idéal serait de se priver complétement d’alcool pour prévenir toute interaction, est-il nécessaire de renoncer à ce petit plaisir de la vie lors de cette période de l’année où les célébrations ne font que se succéder ?

Généralement, la réponse est non, car contrairement à la croyance populaire, ce ne sont pas tous les médicaments (incluant les antibiotiques) qui interagissent avec l’alcool.

Il faut comprendre que les effets de l’alcool chez ceux qui prennent des médicaments varient selon l’individu,
le ou les médicament(s) pris et selon la quantité d’alcool consommée. Lorsque ces 2 substances se retrouvent en même temps dans votre organisme, différents scénarios peuvent se produire :

  • Le ou les médicament(s) ralentissent l’élimination de l’alcool, ce qui en accentue les effets indésirables;
  • L’alcool affecte l’absorption ou l’élimination des médicaments, qui demeurent plus ou moins longtemps dans l’organisme, ce qui peut altérer leurs effets thérapeutiques et/ou amplifier leurs effets secondaires;
  • L’alcool peut avoir des effets secondaires additifs à celui du ou des médicament(s) que vous prenez.

Voici donc quelques conseils à appliquer selon la classe de médicaments que vous prenez :
1) L’aspirine et les anti-inflammatoires en tablette ou sur prescription (Advil, Naproxen, etc.)
Consommer un verre de temps en temps n’est pas problématique, mais peut toutefois aggraver les douleurs à l’estomac et le risque de saignements gastriques si vous êtes prédisposé. Consommez avec modération, à moins d’avoir des problèmes d’estomac, où il sera préférable d’éviter complètement l’alcool.

2) L’acétaminophène (Tylenol): l’antidouleur que tout le monde utilise
Il est bien connu que comme l’alcool, le Tylenol est éliminé par le foie. Une prise occasionnelle d’alcool n’est pas problématique, mais les excès sont à proscrire, pour éviter les dommages au foie. Or, si vous prenez quotidiennement la dose maximale d’acétaminophène recommandée, soit 2 caplets de 500 mg quatre fois par jour (total de 4 g/jour), vous devriez vous abstenir complètement de consommer de l’alcool.

3) Les antidouleurs narcotiques (morphine, codéine, Fentanyl, Hydromorph Contin, Kadian, etc.)
La combinaison d’alcool à ces agents n’est pas recommandée, puisqu’elle engendre de la somnolence, une diminution de la coordination, de la confusion et une détresse respiratoire qui pourrait s’avérer mortelle.
Éviter de consommer de l’alcool lorsque vous prenez ces médicaments, particulièrement lorsque vous prenez les formulations à libération prolongée (Fentanyl, Kadian, Hydromorph Contin, etc.).

4) Les antidépresseurs, antipsychotiques et anxiolytiques (citalopram, quétiapine, lorazepam, etc.)
La prise concomitante d’alcool avec ces molécules accroît le risque d’effets indésirables au niveau du système nerveux central tels que la somnolence, les étourdissements, la difficulté de concentration et la confusion.
Consommez de l’alcool avec modération et prudence.

5) Autres médicaments ayant un potentiel sédatif (antihistaminiques, somnifères, etc.)
Plusieurs antihistaminiques (ex: Benadryl, Gravol, etc.) et somnifères (ex : zopiclone) fréquemment rencontrés en pharmacie interagissent de façon importante avec l’alcool, compte tenu de leur potentiel sédatif, accroissant le risque de somnolence, d’étourdissements et de difficulté de concentration.
La consommation d’alcool est à éviter avec ces molécules.

6) Les antibiotiques (Biaxin, ciprofloxacine, amoxicilline, etc.) autres que le métronidazole
La prise d’alcool lors d’un traitement antibiotique n’en affecte pas l’efficacité. Or, tout comme les antibiotiques, l’alcool est difficile à digérer, ce qui peut accroître le risque d’effets indésirables tels que les maux de ventre et les nausées. Une consommation modérée est à privilégier.

7) Le métronidazole (Flagyl): l’antibiotique d’exception
Ce médicament est fréquemment utilisé seul pour traiter la vaginose bactérienne, de multiples infections parasitaires dont la trichomonase vaginale et en association avec la ciprofloxacine pour le traitement de la diverticulite. En combinaison avec l’alcool, cet agent peut provoquer de façon prématurée une «gueule de bois», mais aussi une réaction de type disulfiram caractérisée par un rougissement de la peau, une difficulté
respiratoire accompagnée de nausées et vomissements et une chute abrupte de la pression artérielle compensée par une accélération du rythme cardiaque qui peuvent s’avérer mortelles. Il faut absolument éviter l’alcool durant toute la durée du traitement et jusqu’à 48 heures après la fin de celui-ci.

8) Les médicaments contre les champignons (kétoconazole, fluconazole, itraconazole, etc.)
Dépendamment de l’agent utilisé, la combinaison avec l’alcool peut soit augmenter le risque de toxicité au foie (itraconazole [Sporanox], fluconazole [Diflucan]) ou d’effet disulfuram décrit plus haut (kétoconazole [Nizoral]). Éviter de consommer de l’alcool avec le fluconazole et l’itraconazole, mais une consommation de petites quantités d’alcool peut être acceptable pour le kétoconazole.

9) La warfarine (Coumadin)
La prise d’alcool occasionnelle n’est généralement pas problématique avec cet anticoagulant, tant qu’elle demeure modérée. Une consommation aigue excessive augmente l’effet du médicament et donc le risque de saignements, alors qu’à l’inverse, une consommation régulière chronique diminue son efficacité accroissant ainsi le risque de caillots. Il est recommandé de se limiter à un maximum de 1
consommation/jour pour les femmes et de 2 consommations/jour pour les hommes

10) Le méthotrexate
Ce médicament utilisé dans plusieurs maladies inflammatoires (arthrite rhumatoïde, psoriasis), mais aussi dans certains types de cancers ne devrait pas être combiné avec l’alcool, pour prévenir des dommages au foie. Il est donc préférable d’éviter le plus possible la consommation d’alcool lorsque vous prenez ce médicament. Or, la prise d’au maximum 2 consommations d’alcool par semaine semble acceptable.

11) La metformine (Glucophage, Glumetza, etc.), l’insuline et le glyburide (Diabeta)
La metformine est l’un des agents les plus fréquemment utilisés dans le traitement du diabète, tout comme l’insuline et le glyburide. Bien que la consommation d’alcool ne soit pas interdite lorsque vous prenez de la metformine, les excès peuvent mener à une acidose lactique, une condition qui peut vous mener au coma et qui est caractérisée par d’importantes douleurs abdominales, nausées, vomissements, fatigue, malaise
généralisé et difficultés respiratoires. Les excès d’alcool lors de la prise de glyburide et d’insuline peuvent quant à eux mener à d’importantes baisses de sucre (hypoglycémies). Il est donc recommandé de consommer avec modération en suivant les recommandations d’Éduc’alcool (2 consommations/jour pour les femmes et 3 consommations/jour pour les hommes) et de ne jamais boire l’estomac vide.

En conclusion, il n’y a pas de conduite unique à tenir à l’égard de la consommation d’alcool et de médicaments et plusieurs médicaments non listés peuvent interagir avec l’alcool.
Il semble raisonnable de consommer avec modération lorsque vous prenez des médicaments risque, à quelques exceptions près. En cas de doute, n’hésitez pas à consulter votre pharmacien, qui saura vous guider quant à la conduite à tenir vis-à-vis la consommation d’alcool.

Joyeux temps des fêtes !
Rima Koubaa, votre pharmacienne GMF